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LE JARDIN D'ÉPICURE

barque étincelante, guidant ma route sur cette étoile immobile que les Grecs nommaient, à cause de moi, la Phénicienne, j’ai sillonné toutes les mers et abordé tous les rivages ; je suis allé chercher l’or de la Colchide, l’acier des Chalybes, les perles d’Ophir, l’argent de Tartesse ; j’ai pris en Bétique le fer, le plomb, le cinabre, le miel, la cire et la poix, et, franchissant les bornes du monde, j’ai couru sous les brumes de l’Océan jusqu’à l’île sombre des Bretons, dont je suis revenu vieux, les cheveux blancs, riche de l’étain que les Égyptiens, les Hellènes et les Italiotes m’achetèrent au poids de l’or. La Méditerranée était alors mon lac. J’ai fondé sur ses côtes encore sauvages des centaines de comptoirs, et cette fameuse