Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/114

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ma mère. J’irai dès demain à la recherche d’une bonne pension pour notre enfant. Je la choisirai comme vous dites, et je m’assurerai qu’elle est prospère, car les soucis d’argent détournent l’esprit du maître et aigrissent son caractère. Que pensez-vous, mon ami, d’une pension tenue par une femme ?

Mon père ne répondait point.

— Qu’en pensez-vous ? répéta ma mère.

— C’est un point qu’il faut examiner, dit mon père.

Assis dans son fauteuil, devant son bureau à cylindre, il examinait depuis quelques instants une espèce de petit os pointu d’un bout et tout fruste de l’autre. Il le roulait dans ses doigts ; certainement il le roulait aussi dans sa pensée et, dès lors, avec tous mes grelots, je n’existais plus pour lui.

Ma mère, accoudée au dossier du fauteuil, suivait l’idée qu’elle venait d’exprimer.

Le docteur lui montra le vilain petit os et dit :

— Voici la dent d’un homme qui vécut au temps du mammouth, pendant l’âge des glaces, dans une caverne jadis nue et désolée, maintenant