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Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/113

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— Les mauvais eux-mêmes, répondit mon père, lui seront utiles s’il est intelligent, car il apprendra à les distinguer des bons, et c’est une connaissance fort nécessaire. D’ailleurs, vous visiterez vous-même les écoles du quartier, et vous choisirez une maison fréquentée par des enfants dont l’éducation correspond à celle que vous avez su donner à Pierre. La nature des hommes est partout la même ; mais leur « nourriture », comme disaient nos anciens, diffère beaucoup d’un lieu à un autre. Une bonne culture, pratiquée depuis plusieurs générations, produit une fleur d’une extrême délicatesse, et cette fleur qui a coûté un siècle à former peut se perdre en peu de jours. Des enfants incultes feraient, par leur contact, dégénérer sans profit pour eux la culture de notre fils. La noblesse des pensées vient de Dieu ; celle des manières s’acquiert par l’exemple et se fixe par l’hérédité. Elle passe en beauté la noblesse du nom. Elle est naturelle et se prouve par sa propre grâce, tandis que l’autre se prouve par des vieux papiers qu’on ne sait comment débrouiller.

— Vous avez raison, mon ami, répondit