Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/125

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une règle pour obtenir le silence, toussa et dit d’une voix sourde :

— Pauvre Jeanne !

Après une pause elle ajouta :

— Des vierges du hameau Jeanne était la plus belle.

Fontanet me donna un coup de coude dans la poitrine en lançant un rire en fusée. Mademoiselle Lefort lui jeta un regard indigné ; puis, d’une voix plus triste que les psaumes de la pénitence, elle continua l’histoire de la pauvre Jeanne. Il est probable et même certain que cette histoire était en vers d’un bout à l’autre ; mais je suis bien forcé de la conter comme je l’ai retenue. On reconnaîtra, j’espère, dans ma prose, les membres épars du poète dispersé.

Jeanne était fiancée ; elle avait engagé sa foi à un jeune et vaillant montagnard. Oswald était le nom de cet heureux pasteur. Déjà tout est préparé pour l’hyménée, les compagnes de Jeanne lui apportent le voile et la couronne. Heureuse Jeanne ! Mais une langueur l’envahit. Ses joues se couvrent d’une pâleur mortelle. Oswald descend de la montagne. Il accourt et