Aller au contenu

Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’était là ma tâche. Par moments je me pressais la tête dans les mains pour contenir mes idées ; mais une seule était distincte : l’idée de la tristesse de mademoiselle Lefort. Je m’occupais sans cesse de ma désolée maîtresse. Fontanet augmentait ma curiosité par d’étranges récits. Il contait qu’on ne pouvait passer le matin devant la chambre de mademoiselle Lefort sans entendre des cris lamentables, mêlés à des bruits de chaînes.

— Je me rappelle, ajouta-t-il, qu’il y a longtemps, un mois peut-être, elle lut à toute la classe, en sanglotant, une histoire qu’on croit être en vers.

Il y avait dans le récit de Fontanet une expression d’horreur qui me pénétra. J’eus lieu de penser, dès le lendemain, que ce récit n’était pas imaginaire, du moins quant à la lecture à haute voix ; car, pour ce qui est des chaînes qui faisaient pâlir Fontanet, je n’en ai jamais rien su, et je suppose aujourd’hui que le bruit de ces chaînes était en réalité un bruit de pelles et de pincettes.

Le lendemain, voici ce qui eut lieu :

Mademoiselle Lefort frappa sur sa table avec