Aller au contenu

Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

appétits et par l’intelligence. Pierre est capable de comprendre la fidélité d’un chien, le dévouement d’un éléphant, les malices d’un singe : c’est cela qu’il faut lui conter, et non cette Jeanne, ce hameau et ces cloches qui n’ont pas le sens commun.

— Vous avez raison, répondit ma mère ; l’enfant et la bête s’entendent fort bien, ils sont tous deux près de la nature. Mais, croyez-moi, mon ami, il y a une chose que les enfants comprennent mieux encore que les ruses des singes : ce sont les belles actions des grands hommes. L’héroïsme est clair comme le jour, même pour un petit garçon ; et, si l’on raconte à Pierre la mort du chevalier d’Assas, il la comprendra, avec l’aide de Dieu, comme vous et moi.

— Hélas ! soupira mon père, je crois, au contraire, que l’héroïsme s’entend de diverses façons, selon les temps, les lieux et les personnes. Mais il n’importe ; ce qui importe dans le sacrifice, c’est le sacrifice même. Si l’objet pour lequel on se dévoue est une illusion, le dévouement n’en est pas moins une réalité ; et cette réalité est la plus splendide parure