Aller au contenu

Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Fontanet et moi, voisins et amis. En allant ensemble, les jours de congé, jouer aux Tuileries, nous passions par ce docte quai Voltaire et, là, cheminant, un cerceau à la main et une balle dans la poche, nous regardions aux boutiques tout comme les vieux messieurs, et nous nous faisions à notre façon des idées sur toutes ces choses étranges, venues du passé, du mystérieux passé.

Eh oui ! nous flânions, nous bouquinions, nous examinions des images.

Cela nous intéressait beaucoup. Mais Fontanet, je dois le dire, n’avait pas comme moi le respect de toutes les vieilleries. Il riait des antiques plats à barbe et des saints évêques dont le nez était cassé. Fontanet était, dès lors, l’homme de progrès que vous avez entendu à la tribune de la Chambre. Ses irrévérences me faisaient frémir. Je n’aimais point qu’il appelât têtes de pipe les portraits bizarres des ancêtres. J’étais conservateur. Il m’en est resté quelque chose, et toute ma philosophie m’a laissé l’ami des vieux arbres et des curés de campagne.

Je me distinguais encore de Fontanet par un