Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/145

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M. Coquempot, dont le livre était un livre cruel. Je n’ai point de rancune, et, si cet auteur avait eu un nom moins mémorable, je l’aurais généreusement oublié. Mais on n’oublie pas Coquempot. Je ne veux pas abuser contre lui de cette circonstance fortuite. Pourtant qu’il me soit permis de m’étonner qu’il faille faire des exercices si douloureux pour apprendre une langue qu’on nomme maternelle et que ma mère m’apprenait fort bien, seulement en causant devant moi. Car elle parlait à ravir, ma mère !

Mais M. l’abbé Jubal était pénétré de l’utilité de Coquempot, et, comme il ne pouvait entrer dans mes raisons, il me donna un mauvais point. L’année scolaire s’acheva sans incident notable. Fontanet se mit à élever des chenilles dans son pupitre. Alors j’en élevai aussi par amour-propre, bien qu’elles me fissent horreur. Fontanet haïssait Coquempot, cette haine nous réunit. Au seul nom de Coquempot, nous échangions sur nos bancs des regards d’intelligence et des grimaces expressives. Cela nous vengeait. Fontanet me confia que, si l’on faisait encore du Coquempot en huitième, il