Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/146

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s’engageait comme mousse sur un grand navire. Cette résolution me plut et je promis à Fontanet de m’engager avec lui. Nous nous jurâmes amitié.

Le jour de la distribution des prix, nous étions méconnaissables, Fontanet et moi. Cela tenait, sans doute, à ce que nous étions peignés. Nos vestes neuves, nos pantalons blancs, la tente de coutil, l’affluence des parents, l’estrade ornée de drapeaux, tout cela m’inspirait l’émotion des grands spectacles. Les livres et les couronnes formaient un amas éclatant dans lequel je cherchais anxieusement à deviner ma part, et je frissonnais sur mon banc. Mais Fontanet, plus sage, n’interrogeait pas la destinée. Il gardait un calme admirable. Tournant dans tous les sens sa petite tête de furet, il remarquait les nez difformes des pères et les chapeaux ridicules des mères, avec une présence d’esprit dont j’étais incapable.

La musique éclata. Le directeur, ayant sur sa soutane le petit manteau de cérémonie, parut sur l’estrade au côté d’un général en grand uniforme et à la tête des professeurs. Je les reconnus tous. Ils prirent place, selon