Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/160

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» Mais il ne faut pas croire que j’étais capable seulement de muser en classe. J’étais à ma manière un bon petit humaniste. Je sentais avec beaucoup de force ce qu’il y a d’aimable et de noble dans ce qu’on appelle si bien les belles-lettres.

» J’avais dès lors un goût du beau latin et du beau français que je n’ai pas encore perdu, malgré les conseils et les exemples de mes plus heureux contemporains. Il m’est arrivé à cet égard ce qui arrive communément aux gens dont les croyances sont méprisées. Je me suis fait un orgueil de ce qui n’était peut-être qu’un ridicule. Je me suis entêté dans ma littérature, et je suis resté un classique. On peut me traiter d’aristocrate et de mandarin ; mais je crois que six ou sept ans de culture littéraire donnent à l’esprit bien préparé pour la recevoir une noblesse, une force élégante, une beauté qu’on n’obtient point par d’autres moyens.

» Quant à moi, j’ai goûté avec délices Sophocle et Virgile. Monsieur Chotard, je l’avoue, monsieur Chotard, aidé de Tite-Live, m’inspirait des rêves sublimes. L’imagination des enfants