Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gnai les merciers et ne cherchai plus à deviner le sens de l’Y énigmatique qui brille en or sur leur enseigne. Je m’arrêtais à peine à déchiffrer les rébus naïfs, figurés sur la grille historiée des vieux débits de vin, où l’on voit un coing ou une comète en fer forgé.

Mon esprit, devenu plus délicat, ne s’intéressait plus qu’aux échoppes d’estampes, aux étalages de bric-à-brac et aux boîtes de bouquins.

Ô vieux juifs sordides de la rue du Cherche-Midi, naïfs bouquinistes des quais, mes maîtres, que je vous dois de reconnaissance ! Autant et mieux que les professeurs de l’Université, vous avez fait mon éducation intellectuelle. Braves gens, vous avez étalé devant mes yeux ravis les formes mystérieuses de la vie passée et toute sorte de monuments précieux de la pensée humaine. C’est en furetant dans vos boîtes, c’est en contemplant vos poudreux étalages, chargés des pauvres reliques de nos pères et de leurs belles pensées, que je me pénétrai insensiblement de la plus saine philosophie.

Oui, mes amis, à pratiquer les bouquins