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Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/171

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sans humanité, enclin au mal et le plus injuste des hommes. Il ne valait rien, même pour expliquer les pensées d’un bossu. D’ailleurs, ces méchantes petites fables sèches, qui portent le nom d’Ésope, nous sont parvenues limées par un moine byzantin, qui avait un crâne étroit et stérile sous sa tonsure. Je ne savais pas, en cinquième, leur origine, et je me souciais peu de la savoir ; mais je les jugeais exactement comme je les juge à présent.

Après Ésope, on nous donna Homère. Je vis Thétis se lever comme une nuée blanche au-dessus de la mer, je vis Nausicaa et ses compagnes, et le palmier de Délos, et le ciel et la terre et la mer, et le sourire en larmes d’Andromaque… Je compris, je sentis. Il me fut impossible, pendant six mois, de sortir de l’Odyssée. Ce fut pour moi la cause de punitions nombreuses. Mais que me faisaient les pensums ? J’étais avec Ulysse « sur la mer violette » ! Je découvris ensuite les tragiques. Je ne compris pas grand-chose à Eschyle ; mais Sophocle, mais Euripide m’ouvrirent le monde enchanté des héros et des héroïnes et m’initièrent à la poésie du malheur. À chaque