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Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/208

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M. Thomas Holden n’est, en comparaison, qu’une bagatelle. Darwin, qui est un observateur sagace, s’émerveillait de ce que les petits enfants pussent rire et pleurer. Il écrivit un gros volume pour expliquer comment ils s’y prenaient. Nous sommes sans pitié, « nous autres savants », comme dit M. Zola.

Mais je ne suis pas, heureusement, un aussi grand savant que M. Zola. Je suis superficiel. Je ne fais pas des expériences sur Suzanne, et je me contente de l’observer, quand je puis le faire sans la contrarier.

Elle grattait son coq et devenait perplexe, ne concevant pas qu’une chose visible fût insaisissable. Cela passait son intelligence, que d’ailleurs tout passe. C’est même cela qui rend Suzanne admirable. Les petits enfants vivent dans un perpétuel miracle ; tout leur est prodige ; voilà pourquoi il y a une poésie dans leur regard. Près de nous, ils habitent d’autres régions que nous. L’inconnu, le divin inconnu les enveloppe.

— Petite bête ! dit sa maman.

— Chère amie, votre fille est ignorante, mais raisonnable. Quand on voit une belle