souviennent ? Concevez-vous qu’ils marchent, qu’ils vont et viennent ? Concevez-vous qu’ils jouent, car le jeu est le principe de tous les arts. Des poupées et des chansons, c’est déjà presque tout Shakspeare.
Suzanne a une grande corbeille pleine de joujoux, dont quelques-uns seulement sont des joujoux par nature et par destination, tels qu’animaux en bois blanc et bébés de caoutchouc. Les autres ne sont devenus des jouets que par un tour particulier de leur fortune : ce sont de vieux porte-monnaie, des chiffons, des fonds de boîtes, un mètre, un étui à ciseaux, une bouillotte, un indicateur des chemins de fer et un caillou. Ils sont les uns et les autres pitoyablement avariés. Chaque jour, Suzanne les tire un par un de la corbeille pour les donner à sa mère. Elle n’en remarque aucun d’une façon spéciale, et elle ne fait généralement aucune distinction entre ce petit bien et le reste des choses. Le monde est pour elle un immense joujou découpé et peint.
Si on voulait se pénétrer de cette conception de la nature et y rapporter tous les actes, toutes les pensées de Suzanne, on admirerait