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Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/219

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Némésis, cette déesse toujours présente, jamais visible, dont elles ne savaient rien, sinon qu’elle était la jalousie des dieux, Némésis, hélas ! dont le doigt se reconnaissait partout, à toute heure, dans cette chose banale et mystérieuse : l’accident. Les mères athéniennes !… J’aime à me figurer une d’elles endormant au cri des cigales, sous le laurier, au pied de l’autel domestique, son nourrisson nu comme un petit dieu.


« J’imagine qu’elle se nommait Lysilla, qu’elle craignait Némésis comme vous la craignez, mon amie, et que, comme vous, loin d’humilier les autres femmes par l’éclat d’un faste oriental, elle ne songeait qu’à se faire pardonner sa joie et sa beauté… Lysilla, Lysilla ! avez-vous donc passé sans laisser sur la terre une ombre de votre forme, un souffle de votre âme charmante ? Êtes-vous donc comme si vous n’aviez jamais été ? »


La maman de Suzanne coupe le fil capricieux de ces pensées.