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Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/231

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battre, les saints seront aussi désœuvrés que les pécheurs. On s’ennuiera mortellement. Je vous dis qu’en tuant le Diable, Gringalet a commis une grave imprudence.

Polichinelle est venu nous faire la révérence, la toile est tombée, les petits garçons et les petites filles s’en sont allés, et je reste plongé dans mes réflexions. Mam’selle Suzon, qui me voit songeur, me croit triste. Elle a communément cette idée que les gens qui réfléchissent sont des malheureux. C’est avec une pitié délicate qu’elle me prend la main et me demande pourquoi j’ai du chagrin.

Je lui avoue que je suis fâché que Gringalet ait tué le Diable.

Alors elle me passe ses petits bras autour du cou et, approchant ses lèvres de mon oreille :

— Je vais te dire une chose : Gringalet a tué le nègre, mais il ne l’a pas tué pour de bon.

Cette parole me rassure ; je me dis que le Diable n’est pas mort, et nous partons contents.