Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/241

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habitiez déjà dans ces parages quand j’avais mon mari.

Comme la voix de la jeune veuve s’éteignait, il reprit d’un ton grave :

— Je sais, madame.

Et, très naturellement, il inclina la tête comme pour saluer au passage le souvenir d’un grand deuil.

Puis, après un moment de silence :

— C’était le bon temps ! Que de braves gens il y avait alors, qui sont partis depuis ! Mes pauvres paysagistes ! Mon pauvre Millet ! C’est égal. Je suis resté l’ami des peintres, comme ils m’appellent tous là-bas, à Barbizon. Je les connais tous. Ce sont de bons enfants.

— Et votre fabrique ?

— Ma fabrique ? elle va toute seule.

André vint se jeter entre eux.

— Maman ! maman ! il y a sous une grosse pierre des bêtes au bon Dieu. Il y en a au moins un million, vrai !

— Tais-toi et va jouer, lui répondit sèchement sa mère.

L’ami des peintres reprit de sa belle voix chaude :