Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/255

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les pressait dans ses petits poings, qui en furent tout poissés ; il les dressait sur sa petite table et les nommait par leurs noms avec l’accent de la passion : dada ! toutou ! moumou ! En soulevant un de ces étranges arbres verts, au tronc lisse et droit et dont le feuillage en copeaux forme un cône, il s’écria : « Un pin ! »

Ce fut, pour sa mère, une sorte de révélation. Elle n’eût jamais trouvé cela. Et pourtant un arbre vert, en forme de cône, sur un fût droit, c’est certainement un sapin. Mais il fallait que Pierre le lui dît pour qu’elle s’en avisât :

— Ange !

Et elle l’embrassa si fort, que la bergerie en fut aux trois quarts renversée.

Cependant Pierre découvrait aux arbres de la boîte une ressemblance avec des arbres qu’il avait vus là-bas dans la montagne, au bon air.

Il voyait encore d’autres choses que sa maman ne voyait pas. Tous ces petits morceaux de bois enluminés évoquaient en lui des images touchantes. Il revivait par eux dans une nature alpestre ; il était une seconde fois dans cette Suisse qui l’avait si grassement