Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/276

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fond, aventureux et mystérieux, et je m’imagine, malgré moi, qu’il mène dans des contrées semblables à celles qu’on voit dans les rêves. La belle nuit ! et comme il est bon de respirer ! Je vous écoute, mon cousin ; parlez-nous des contes de fées, puisque vous avez tant de choses curieuses à nous en dire. Mais, de grâce, ne me les gâtez pas. Je vous préviens que je les adore. C’est à ce point que j’en veux un petit peu à ma fille, qui me demande si les ogres et les fées, « c’est vrai ».

raymond

C’est un enfant du siècle. Le doute lui pousse avant les dents de sagesse. Je ne suis pas de l’école de cette philosophe en jupe courte, et je crois aux fées. Les fées existent, cousine, puisque les hommes les ont faites. Tout ce qu’on imagine est réel : il n’y a même que cela qui soit réel. Si un vieux moine venait me dire : « J’ai vu le Diable ; il a une queue et des cornes », je répondrais à ce vieux moine : « Mon père, en admettant que, par hasard, le Diable n’existât pas, vous l’avez créé ; maintenant, à coup sûr, il existe. Gardez-vous-en ! »