Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/291

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d’un petit nombre de types. Tel conte scandinave semble calqué sur tel conte français, qui lui-même reproduit les traits principaux d’un conte italien. Or, il n’est pas admissible que ces ressemblances soient l’effet d’échanges successifs entre les différents peuples. On a donc supposé, comme je vous le disais tout à l’heure, que les familles humaines possédaient ces récits avant leur séparation et qu’elles les imaginèrent pendant leur repos immémorial dans leur commun berceau. Mais, comme on n’a entendu parler ni d’une contrée ni d’un âge où les Zoulous, les Papous et les Indous paissaient leurs bœufs ensemble, il faut penser que les combinaisons de l’esprit humain, à son enfance, sont partout les mêmes, que les mêmes spectacles ont produit les mêmes impressions dans toutes les têtes primitives, et que les hommes, également sujets à la faim, à l’amour et à la peur, ayant tous le ciel sur leur tête et la terre sous leurs pieds, ont tous, pour se rendre compte de la nature et de la destinée, imaginé les mêmes petits drames.

Les contes de nourrice n’étaient pas moins, à leur origine, qu’une représentation de la vie