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Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/297

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et les périls, laissant derrière elle, du côté de l’Orient, l’aïeule couchée au milieu des morts jeunes ou vieux. Mais les contes sortis de ses lèvres, maintenant glacées, s’envolaient comme les papillons de Psyché, et ces frêles immortels, se posant de nouveau sur la bouche des vieilles filandières, étincelaient aux yeux agrandis des nouveaux nourrissons de l’antique race. Et qui donc apprit Peau d’Âne aux fillettes et aux garçonnets de France, « de douce France », comme dit la chanson ? « C’est Ma Mère l’Oie », répondent les savants de village, Ma Mère l’Oie, qui filait sans cesse et sans cesse devisait. Et les savants de s’enquérir. Ils ont reconnu Ma Mère l’Oie dans cette reine Pédauque que les maîtres imagiers représentèrent sur le portail de Sainte-Marie de Nesles dans le diocèse de Troyes, sur le portail de Sainte-Bénigne de Dijon, sur le portail de Saint-Pourçain en Auvergne et de Saint-Pierre de Nevers. Ils ont identifié Ma Mère l’Oie à la reine Bertrade, femme et commère du roi Robert ; à la reine Berthe au grand pied, mère de Charlemagne ; à la reine de Saba, qui, étant idolâtre, avait le pied fourchu ;