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Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/298

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à Freya au pied de cygne, la plus belle des déesses scandinaves ; à sainte Lucie, dont le corps, comme le nom, était lumière. Mais c’est chercher bien loin et s’amuser à se perdre. Qu’est-ce que Ma Mère l’Oie, sinon notre aïeule à tous et les aïeules de nos aïeules, femmes au cœur simple, aux bras noueux, qui firent leur tâche quotidienne avec une humble grandeur et qui, desséchées par l’âge, n’ayant, comme les cigales, ni chair ni sang, devisaient encore au coin de l’âtre, sous la poutre enfumée, et tenaient à tous les marmots de la maisonnée ces longs discours qui leur faisaient voir mille choses ? Et la poésie rustique, la poésie des champs, des bois et des fontaines, sortait fraîche des lèvres de la vieille édentée.

… comme ces eaux si pures et si belles,
Qui coulent sans effort des sources naturelles.

Sur le canevas des ancêtres, sur le vieux fonds indou, la Mère l’Oie brodait des images familières, le château et les grosses tours, la chaumière, le champ nourricier, la forêt mystérieuse et les belles Dames, les fées tant connues des villageois et que Jeanne d’Arc aurait