Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/323

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reuse ou funeste, c’est la fée. Claude plaît parce qu’il chante bien ; il chante bien parce que les cordes de sa voix sont harmonieusement construites. Qui les disposa ainsi dans le gosier de Claude ? C’est la fée. Pourquoi la fille du roi se piqua-t-elle au fuseau de la vieille ? Parce qu’elle était vive, un peu étourdie… et que l’arrêt des fées l’ordonnait ainsi.

C’est précisément ce que répond le conte, et la sagesse humaine ne va pas au-delà de cette réponse. Pourquoi, cousine, êtes-vous belle, spirituelle et bonne ? Parce qu’une fée vous donna la bonté, une autre l’esprit, une autre la grâce. Il fut fait comme elles avaient dit. Une mystérieuse marraine détermine à notre naissance tous les actes, toutes les pensées de notre vie, et nous ne serons heureux et bons qu’autant qu’elle l’aura voulu. La liberté est une illusion et la fée une vérité. — Mes amis, la vertu est, comme le vice, une nécessité qu’on ne peut éluder… Oh ! ne vous récriez pas. Pour être involontaire, la vertu n’en est pas moins belle et ne mérite pas moins qu’on l’adore.

Ce qu’on aime dans la bonté, ce n’est pas le prix qu’elle coûte, c’est le bien qu’elle fait.