Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/38

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Et elle me porta, étroitement embrassé, jusqu’à la voiture. Car nous allions en visite.

Je lui demandai quel était ce frère aîné que je ne connaissais pas et cette tour qui me faisait peur.

Et ma mère, qui avait la divine patience et la simplicité joyeuse des âmes dont la seule affaire en ce monde est d’aimer, me conta, dans un babil enfantin et poétique, comment les deux enfants du roi Édouard, qui étaient beaux et bons, furent arrachés à leur mère et étouffés dans un cachot de la tour de Londres par leur méchant oncle Richard.

Elle ajouta, s’inspirant selon toute apparence d’une peinture à la mode, que le petit chien des enfants aboya pour les avertir de l’approche des meurtriers.

Elle finit en disant que cette histoire était très ancienne, mais si touchante et si belle, qu’on ne cessait d’en faire des peintures et de la représenter sur les théâtres, et que tous les spectateurs pleuraient, et qu’elle avait pleuré comme eux.

Je dis à maman qu’il fallait être bien méchant pour la faire pleurer ainsi, elle et tout le monde.