Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/54

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était belle à souhait. Quand je la vis, je la reconnus. C’était bien celle que j’attendais, c’était ma fée. Je la contemplais sans surprise, ravi. Pour cette fois, et par extraordinaire, la nature égalait les rêves de beauté d’un petit enfant.

Ma marraine me regarda : elle avait des yeux d’or. Elle me sourit et je lui vis des dents aussi petites que les miennes. Elle parla : sa voix était claire et chantait comme une source dans les bois. Elle me baisa, ses lèvres étaient fraîches : je les sens encore sur ma joue.

Je goûtai à la voir une infinie douceur, et il fallait, paraît-il, que cette rencontre fût charmante de tout point ; car le souvenir qui m’en reste est dégagé de tout détail qui l’eût gâté. Il a pris une simplicité lumineuse. C’est la bouche entr’ouverte pour un sourire et pour un baiser, debout, les bras ouverts, que m’apparaît invariablement ma marraine.

Elle me souleva de terre et me dit :

— Trésor, laisse-moi voir la couleur de tes yeux.

Puis, agitant les boucles de ma chevelure :

— Il est blond, mais il deviendra brun.