Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/55

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Ma fée connaissait l’avenir. Pourtant ses prédictions indulgentes ne l’annonçaient pas tout entier. Mes cheveux, aujourd’hui, ne sont plus ni blonds ni noirs.

Elle m’envoya, le lendemain, des joujoux qui ne me parurent pas faits pour moi. Je vivais avec mes livres, mes images, mon pot de colle, mes boîtes de couleur et tout mon attirail de petit garçon intelligent et chétif, déjà sédentaire, qui s’initiait naïvement par ses jouets à ce sentiment des formes et des couleurs, cause de tant de douleurs et de joies.

Les présents choisis par ma marraine n’entraient pas dans ces mœurs. C’était un mobilier complet de sport-boy et de petit gymnaste : trapèze, cordes, barres, poids, haltères, tout ce qu’il faut pour exercer la force d’un enfant et préparer la grâce virile.

Par malheur, j’avais déjà le pli du bureau, le goût des découpures faites patiemment le soir à la lampe, le sens profond des images, et, quand je sortais de mes amusements d’artiste prédestiné, c’était par des coups de folie, par une rage de désordre, pour jouer éperdument à des jeux sans règle, sans rythme, au