Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/71

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compris pourquoi les saints Antoine et Jérôme s’en étaient allés au désert parmi les lions et les ægipans ; et je résolus de me retirer dès le lendemain dans un ermitage. Je choisis, pour m’y cacher, le labyrinthe du Jardin des Plantes. C’est là que je voulais vivre dans la contemplation, vêtu, comme saint Paul l’Ermite, d’une robe de feuilles de palmier. Je pensais : « Il y aura dans ce jardin des racines pour ma nourriture. On y découvre une cabane au sommet d’une montagne. Là, je serai au milieu de toutes les bêtes de la création ; le lion qui creusa de ses ongles la tombe de sainte Marie l’Égyptienne viendra sans doute me chercher pour rendre les devoirs de la sépulture à quelque solitaire des environs. Je verrai, comme saint Antoine, l’homme aux pieds de bouc et le cheval au buste d’homme. Et peut-être que les anges me soulèveront de terre en chantant des cantiques. »

Ma résolution paraîtra moins étrange quand on saura que, depuis longtemps, le Jardin des Plantes était pour moi un lieu saint, assez semblable au Paradis terrestre, que je voyais figuré sur ma vieille Bible en estampes. Ma