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Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/78

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vieux style roide qu’on lui avait enseigné dans les écoles de jésuites.

« Ce fut justement cet oncle, nous dit Henri Heine, qui exerça une grande influence sur la culture de mon esprit, et auquel, sur ce point, je suis infiniment redevable. Si différente que fût notre manière de voir, ses aspirations littéraires, pitoyables d’ailleurs, contribuèrent peut-être à éveiller en moi le désir d’écrire. »

La figure du vieux Geldern m’en rappelle une autre qui, n’existant, celle-là, que par mes propres souvenirs, semblera pâle et sans charme. À la vérité, je n’en saurai jamais faire un de ces portraits à la fois fantastiques et vrais dont Rembrandt et Heine eurent le secret. C’est dommage ! l’original méritait un savant peintre.

Oui, j’eus aussi mon Simon de Geldern pour m’inspirer dès l’enfance l’amour des choses de l’esprit et la folie d’écrire. Il se nommait Le Beau ; c’est peut-être à lui que je dois de barbouiller, depuis quinze ans, du papier avec mes rêves. Je ne sais si je peux l’en remercier. Du moins, il n’inspira à son élève qu’une manie innocente comme la sienne.