Page:Anatole France - Le Livre de mon ami.djvu/81

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clefs de prison plus grosses que le bras pendaient aux murs.

Le père Le Beau était de force à mettre, comme Bouvard, un vieux gibet dans sa collection. Il possédait du moins l’échelle de Latude et une douzaine de belles poires d’angoisse. Les quatre pièces de son logis ne différaient point les unes des autres ; des livres y montaient jusqu’au plafond et couvraient les planches pêle-mêle avec des cartes, des médailles, des armures, des drapeaux, des toiles enfumées et des morceaux mutilés de vieille sculpture en bois ou en pierre. Il y avait là, sur une table boiteuse et sur un coffre vermoulu, des montagnes de faïences peintes.

Tout ce qui peut se pendre pendait du plafond dans des attitudes lamentables. En ce musée chaotique, les objets se confondaient sous une même poussière, et ne semblaient tenir que par les innombrables fils dont les araignées les enveloppaient.

Le père Le Beau, qui entendait à sa façon la conservation des œuvres d’art, défendait à Nanon de balayer les planchers. Le plus curieux, c’est que tout dans ce fouillis avait une