Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/101

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savait que sa femme craignait beaucoup de mécontenter son père ou d’être mal jugée par lui. Il insista :

— Votre père est plein de sens et de tact. J’ai été heureux de me rencontrer plusieurs fois avec lui dans les conseils que je me suis permis de vous donner. Il trouve comme moi que la maison de madame Meillan n’était pas convenable pour une femme comme vous. Le monde y est très mêlé et la maîtresse de la maison favorise les intrigues. Vous avez un grand tort, je dois vous le dire : c’est de ne pas tenir assez compte de l’opinion du monde. Je me trompe bien si votre père ne trouve pas singulier que vous vous envoliez avec cette… légèreté. Et votre absence sera d’autant plus remarquée, ma chère amie, que dans le cours de cette législature, permettez-moi de vous le rappeler, les circonstances m’ont mis en vue. Mon mérite n’est pour rien assurément dans cette situation. Mais, si vous aviez consenti à m’écouter pendant le dîner, je vous aurais démontré que le groupe d’hommes politiques auquel j’appartiens est à deux doigts du pouvoir. Ce n’est pas dans un pareil moment que vous devez renoncer à vos devoirs de maîtresse de maison. Vous le comprenez vous-même.

Elle lui répondit :

— Vous m’ennuyez.