Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/105

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avait dit tout à coup qu’elle voulait partir, mais elle ne remontait pas au premier filet de ce désir. Ce n’était pas l’envie d’agir avec Robert Le Ménil comme il agissait avec elle. Sans doute, elle trouvait excellent d’aller se promener aux Cascine tandis qu’il allait chasser le renard. Cela lui paraissait d’une agréable symétrie. Robert, qui était toujours très content de la retrouver, ne la retrouverait pas à son retour. Elle jugeait bon de lui donner cette juste contrariété. Mais elle n’y avait pas songé tout d’abord. Et depuis elle n’y songeait guère, et vraiment elle ne partait pas pour le plaisir de lui faire de la peine et dans l’espièglerie d’une petite vengeance. Elle gardait contre lui une pensée moins piquante, plus sourde et plus dure. Surtout elle ne voulait pas le revoir de sitôt. Sans que leur liaison fût en rien rompue, il était devenu pour elle un étranger. Il lui apparaissait un homme comme les autres, mieux que la plupart des autres, très bien d’aspect, de manières, d’un caractère estimable, et qui ne lui déplaisait pas, mais ne l’occupait pas beaucoup. Tout à coup il était sorti de sa vie. Elle ne se rappelait pas volontiers combien il y avait été mêlé. L’idée d’être à lui la choquait, lui paraissait une inconvenance. La prévision qu’ils se retrouveraient ensemble dans le petit appartement de la rue