Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/106

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Spontini lui était assez pénible pour qu’elle l’écartât tout de suite. Elle aimait mieux croire qu’un événement imprévu, nécessaire, empêcherait leur réunion : la fin du monde, par exemple. M. Lagrange, de l’Académie des sciences, lui avait parlé la veille, chez madame de Morlaine, d’une comète qui, venue de l’abîme céleste, rencontrerait peut-être un jour la terre, l’envelopperait de sa chevelure flamboyante, la brûlerait de son haleine, donnerait à respirer aux animaux et aux plantes des poisons inconnus et ferait mourir tous les hommes dans un rire frénétique ou dans une morne stupeur. C’est cela ou quelque autre chose de ce genre qu’il lui fallait pour le mois prochain. Il n’était donc pas inexplicable qu’elle eût voulu partir. Mais qu’à son désir de s’envoler se mêlât une joie vague, qu’elle fût par avance sous le charme de ce qu’elle allait trouver, elle n’y savait point de raison.

La voiture la mit au coin de la petite rue de La Chaise.

C’est là, sous le toit d’une haute maison, au long du balcon, derrière cinq fenêtres chauffées le matin par le soleil, que, dans un étroit logement très propre, demeurait Madame Marmet, depuis la mort de son mari.

La comtesse Martin était venue la voir à son jour. Elle trouva dans le salon modeste et relui-