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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/113

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chaque voiture un regard brusque, qui devenait peu à peu mauvais et méfiant. Mais quand, arrivé au coupé des deux dames, il reconnut madame Martin, il sourit si joliment et lui donna le bonjour d’une voix si caressante, qu’il ne lui restait plus rien du farouche vagabond errant sur le quai, rien que la très vieille valise de tapisserie qu’il tirait par les anses à demi rompues.

Il la plaça dans le filet avec un soin minutieux, parmi les sacs corrects, enveloppés de toile grise, où elle fit une tache éclatante et sordide. On vit alors qu’elle était semée de fleurs jaunes, sur un fond couleur de sang.

Très à son aise, il fit compliment à madame Martin des pèlerines de son carrick carmélite.

— Excusez-moi, mesdames, ajouta-t-il, j’ai craint d’être en retard. Je suis allé entendre ce matin la messe de six heures à Saint-Séverin, ma paroisse, dans la chapelle de la Vierge, sous ces jolis piliers absurdes qui montent au ciel en devises de mirliton, comme nous, pauvres pécheurs que nous sommes.

— Alors, lui dit madame Martin, vous êtes pieux aujourd’hui.

Et elle lui demanda s’il emportait le cordon de l’ordre qu’il fondait.

Il prit un air grave et contristé.

— Je crains bien, madame, que M. Paul