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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/121

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conduite ne prêtait pas au soupçon. Je n’étais pas coquette. Mais j’étais jeune, fraîche ; je passais pour presque jolie. Cela suffisait. Il m’empêchait de sortir seule, me défendait de recevoir des visites en son absence. Quand nous étions au bal ensemble, je tremblais d’avance des scènes qu’il me ferait en voiture.

Et la bonne madame Marmet ajouta en soupirant :

— C’est vrai que j’aimais la danse. Mais il a fallu y renoncer. Il en souffrait trop.

La comtesse Martin laissait paraître sa surprise. Elle s’était toujours figuré Marmet comme un vieux monsieur timide et absorbé, un peu ridicule entre sa femme grasse, blanche, si douce, et le squelette coiffé de bronze et d’or de son guerrier étrusque. Mais l’excellente veuve lui confia qu’à cinquante-cinq ans, quand elle en avait cinquante-trois, Louis restait jaloux comme au premier jour.

Et Thérèse songea que Robert ne l’avait jamais tourmentée de sa jalousie. Était-ce de sa part une preuve de tact et de bon goût, une marque de confiance, ou ne l’aimait-il pas assez pour la faire souffrir ? Elle ne le savait pas et elle n’avait pas le cœur à tâcher de le savoir. Il aurait fallu fouiller dans des tiroirs de son âme qu’elle ne voulait pas ouvrir.

Elle murmura sans y prendre garde :