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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/123

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les terreurs qu’il éprouvait. Un moment auparavant, comme il fumait sa pipe, seul, au fond du couloir, il avait ressenti, en voyant la lune courir dans les nuées sur la Camargue, une de ces peurs sans cause, une de ces peurs d’enfant, qui bouleversaient son âme imagée et légère. Il était venu se rassurer auprès de la comtesse Martin.

— Arles, dit-il. Connaissez-vous Arles ? C’est la pure beauté ! J’ai vu dans le cloître de Saint-Trophime des colombes se poser sur les épaules des statues, et j’ai vu les petits lézards gris se chauffer au soleil sur les sarcophages des Aliscamps. Les tombes sont maintenant rangées des deux côtés du chemin qui mène à l’église. Elles sont en forme de cuve et servent la nuit de lit aux malheureux. Un soir, me promenant avec Paul Arène, je rencontrai une bonne vieille qui étendait des herbes sèches dans la tombe d’une vierge antique, expirée le jour de ses noces. Nous lui souhaitâmes une bonne nuit. Elle répondit : « Dieu vous entende ! Mais un sort mauvais veut que cette cuve soit ouverte du côté du mistral. Si la fente se trouvait dans l’autre partie, je serais couchée comme la reine Jeanne. »

Thérèse ne répondit rien. Elle était assoupie. Et Choulette frissonna dans le froid de la nuit, ayant peur de la mort.