Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/13

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allait des marques discrètes de préférence, elle se chauffait, contente, comme une aïeule, au coin de cette cheminée de pur style Louis XVI, qui convenait à sa beauté de vieille dame indulgente. Il ne lui manquait là que son bichon.

— Comment va Toby ? lui demanda madame Martin. Monsieur Vence, connaissez-vous Toby ? Il a de longs poils de soie et un petit nez d’amour, noir.

Madame Marmet goûtait les louanges données à Toby, quand un vieillard rose et blond, aux cheveux bouclés, myope, presque aveugle sous ses lunettes d’or, bas sur jambes, butant contre les meubles, saluant les fauteuils vides, se jetant dans les glaces, poussa son nez crochu jusque devant madame Marmet qui le regarda, indignée.

C’était M. Schmoll, de l’Académie des inscriptions. Il souriait, grimaçant et poupin ; il tournait des madrigaux à la comtesse Martin avec cette voix héréditaire, rude et grasse, dont les Juifs ses pères pressaient leurs créanciers, les paysans d’Alsace, de Pologne et de Crimée. Il traînait lourdement ses phrases. Ce grand philologue, membre de l’Institut de France, savait toutes les langues excepté le français. Et Madame Martin s’amusait de ces galanteries lourdes et rouillées comme les ferrailles qu’étalent les brocanteurs, et parmi lesquelles tombaient quelques fleurs séchées de