Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/132

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ensemble ; je lui ai dit des choses obscures et bonnes et je l’ai charmé par la douceur des sons. Je retournerai dans son échoppe ; j’apprendrai de lui à faire des souliers et à vivre sans désirs. Après quoi, je n’aurai plus de tristesse. Car seuls le désir et l’oisiveté nous rendent tristes.

La comtesse Martin sourit.

— Monsieur Choulette, je ne désire rien, et pourtant je ne suis pas gaie. Est-ce qu’il faut aussi que je fasse des souliers ?

Choulette répondit gravement :

— Il n’est pas temps encore.

Parvenus aux jardins des Oricellari, madame Marmet se laissa tomber sur un banc. Elle avait examiné à Sainte-Marie-Nouvelle les fresques tranquilles de Ghirlandajo, les stalles du chœur, la vierge de Cimabuë, les peintures du cloître. Elle l’avait fait avec soin, pour la mémoire de son mari, qui avait beaucoup aimé, disait-on, l’art italien. Elle était fatiguée. Choulette s’assit près d’elle et lui dit :

— Madame, pourriez-vous me dire s’il est vrai que le pape fait faire ses robes chez Worth ?

Madame Marmet ne le croyait pas. Pourtant, Choulette l’avait entendu dire dans des cafés. Madame Martin était surprise que, catholique et socialiste, Choulette parlât avec si peu de