Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/133

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respect d’un pape ami de la république. Mais il n’aimait guère Léon XIII.

— La sagesse des princes est courte, dit-il ; le salut de l’Église viendra de la république italienne, ainsi que le croit et le veut Léon XIII, mais l’église ne sera pas sauvée de la manière que le pense ce pieux Machiavel. La révolution fera perdre au pape son denier inique avec le reste de son patrimoine. Et ce sera le salut. Le pape, dépouillé et pauvre, deviendra puissant. Il agitera le monde. On reverra Pierre, Lin, Clet, Anaclet et Clément, les humbles, les ignorants, les saints des premiers jours, qui changèrent la face de la terre. Si demain, par impossible, dans la chaire de Pierre s’asseyait un véritable évêque, un chrétien véritable, j’irais le trouver et je lui dirais : « Ne soyez pas le vieillard enseveli vivant dans une tombe d’or, laissez vos camériers, vos gardes nobles et vos cardinaux, quittez votre cour et les simulacres de la puissance. Venez à mon bras mendier votre pain par les nations. Couvert de haillons, pauvre, malade, mourant, allez le long des routes montrant en vous l’image de Jésus. Dites : « Je mendie mon pain pour la condamnation des riches. » Entrez dans les villes et criez de porte en porte avec une stupidité sublime : « Soyez humbles, soyez doux, soyez pauvres ! » Annoncez dans les cités