Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/148

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qui entourent Florence fermaient l’horizon de leurs yeux et de leur âme. Ils ne connaissaient que leur ville, l’Écriture sainte et quelques débris de sculptures antiques, étudiés, caressés avec amour.

— Vous dites bien, fit le professeur Arrighi. Ils n’avaient souci que d’employer les meilleurs procédés. Leur esprit était tout tendu à préparer l’enduit et à bien broyer les couleurs. Celui qui imagina de coller une toile sur le panneau, pour que la peinture ne se fendît pas avec le bois, passa pour un homme merveilleux. Chaque maître avait ses recettes et ses formules, qu’il tenait soigneusement cachées.

— Bienheureux temps, reprit Dechartre, où l’on n’avait pas soupçon de cette originalité que nous cherchons si avidement aujourd’hui. L’apprenti tâchait de faire comme le maître. Il n’avait pas d’autre ambition que de lui ressembler, et c’était sans le vouloir qu’il se montrait différent des autres. Ils travaillaient non pour la gloire, mais pour vivre.

— Ils avaient raison dit Choulette. Rien n’est meilleur que de travailler pour vivre.

— Le désir d’atteindre la postérité, poursuivit Dechartre, ne les troublait pas. Ne connaissant point le passé, ils ne concevaient point l’avenir, et leur rêve n’allait pas au delà de leur