Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/149

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vie. Ils mettaient à bien faire une volonté puissante. Étant simples, ils ne se trompaient pas beaucoup, et voyaient la vérité que notre intelligence nous cache.

Cependant Choulette commençait de conter à madame Marmet la visite qu’il avait faite, dans la journée, à la princesse de la maison de France pour qui la marquise de Rieu lui avait donné une lettre de présentation. Il se plaisait à faire sentir que lui, le bohème et le vagabond, il avait été reçu par cette princesse royale chez laquelle ni miss Bell ni la comtesse Martin n’eussent été admises, et que le prince Albertinelli se flattait d’avoir rencontrée un jour dans une cérémonie.

— Elle se livre, dit le prince, aux pratiques d’une piété minutieuse.

— Elle est admirable de noblesse et de simplicité, dit Choulette. Dans sa maison, entourée de ses gentilshommes et de ses dames, elle fait observer l’étiquette la plus rigoureuse, afin que sa grandeur soit une pénitence, et elle va tous les matins laver le pavé de l’église. C’est une église de village où fréquentent les poules, tandis que le curé joue à la briscola avec le sacristain.

Et Choulette, se penchant sur la table, imita avec sa serviette la laveuse accroupie. Puis, relevant la tête, il dit gravement :