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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/158

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monsieur Dechartre. Prenez garde que le Dieu vous entende.

Il répondit :

— Il me suffit de vivre un moment encore.

Et il prit congé, promettant de revenir le lendemain de bonne heure pour conduire madame Martin à la chapelle Brancacci.


Une heure plus tard, dans la chambre de goût esthétique, tapissée d’étoffes où des citronniers, chargés d’énormes fruits d’or, formaient comme un bois de féerie, Thérèse, la tête sur l’oreiller et son beau bras nu replié sur la tête, songeait, sous la lampe, et voyait flotter confusément devant elle les images de sa nouvelle vie : Vivian Bell et ses cloches, ces figures des préraphaélites légères comme des ombres, ces dames, ces cavaliers isolés, indifférents, au milieu des scènes pieuses, un peu tristes et regardant qui vient ; mieux plaisants ainsi, et plus amis dans leur douce léthargie ; et, le soir, à la villa de Fiesole, le prince Albertinelli, le professeur Arrighi, Choulette, les propos agiles, le jeu bizarre des idées, et Dechartre, l’œil jeune sur un visage un peu fatigué, l’air africain avec son teint bistré et sa barbe en pointe.

Elle songea qu’il avait une imagination charmante, une âme plus riche que toutes celles qui