Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/174

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— Oh ! darling, pourquoi expliquer, pourquoi ? Une image poétique doit avoir plusieurs sens. Celui que vous aurez trouvé sera pour vous le sens véritable. Mais il y en a un très clair, my love : c’est qu’il ne faut pas se débarrasser légèrement de ce qu’on a mis dans son cœur.


Les chevaux étaient attelés. Elles allèrent, comme il était convenu, visiter la galerie Albertinelli, via del Moro. Le prince les attendait et Dechartre devait les retrouver dans le palais. En chemin, tandis que la voiture glissait sur les larges dalles de la chaussée, Vivian Bell répandait en petits mots chantants sa gaieté fine et précieuse. Comme elles descendaient entre des maisons roses ou blanches, des jardins en étages, ornés de statues et de fontaines, elle montra à son amie la villa, cachée sous les pins bleuissants, où les dames et les cavaliers du Décaméron allèrent fuir la peste qui ravageait Florence et se divertirent en disant des contes galants, facétieux ou tragiques. Puis elle avoua la bonne pensée qu’elle avait eue la veille.

— Vous étiez allée, darling, au Carmine avec M. Dechartre, et vous aviez laissé à Fiesole madame Marmet, qui est une agréable vieille dame, une modérée et polie vieille dame. Elle sait beaucoup d’anecdotes sur les personnes de