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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/179

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a offerte un peu partout. Je n’affirme pas que celui-ci soit l’original. Mais il est toujours resté dans la famille, et les vieux inventaires l’attribuent à Michel-Ange. C’est tout ce que je puis dire.

Et le prince retourna vers miss Bell, qui cherchait les primitifs.

Dechartre était mal à l’aise. Depuis la veille, il pensait à Thérèse. Il avait toute la nuit songé et travaillé sur son image. Il la revoyait délicieuse, mais autrement délicieuse et plus désirable encore qu’il ne l’avait rêvée dans l’insomnie ; moins fondue et flottante, d’un goût de chair plus vif, plus fort, plus âcre, et aussi d’une âme plus mystérieuse et plus impénétrable. Elle était triste ; elle lui parut froide et distraite. Il se dit qu’il n’était rien pour elle, qu’il devenait importun et ridicule. Il s’assombrit et s’irrita. Il lui murmura amèrement dans l’oreille :

— J’avais réfléchi. Je ne voulais pas venir. Pourquoi suis-je venu ?

Elle comprit tout de suite ce qu’il voulait dire, et qu’il la craignait maintenant, et qu’il était impatient, timide et maladroit. Il lui plaisait ainsi, et elle lui savait gré du trouble et des désirs qu’elle lui donnait.

Elle eut des battements de cœur. Mais, affectant de comprendre qu’il regrettait de s’être dérangé pour de la mauvaise peinture, elle lui