Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/182

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importunes, les reproches lointains, et ne songeait pas qu’il y eût autre chose au monde que des cloîtres ciselés et peints, avec un puits dans l’herbe de la cour, des villages aux toits rouges et des routes où, bercée de paroles flatteuses, elle voyait poindre le printemps. Dechartre venait de modeler pour miss Bell la maquette en cire d’une petite Béatrice. Vivian peignait des anges. Penché sur elle, avec mollesse, le prince Albertinelli, la hanche amplement arrondie, se caressait la barbe et lançait autour de lui des œillades de courtisane.

Répondant à une réflexion de Vivian Bell sur le mariage et l’amour :

— Il faut qu’une femme choisisse, dit-il. Avec un homme aimé des femmes, elle n’est pas tranquille. Avec un homme que les femmes n’aiment pas, elle n’est pas heureuse.

— Darling, demanda miss Bell, que choisissez-vous pour une amie qui vous serait chère ?

— Je souhaiterais, Vivian, que mon amie fût heureuse, et je souhaiterais aussi qu’elle fût tranquille. Elle voudrait l’être en haine de la trahison, des soupçons humiliants, des basses défiances.

— Mais, darling, puisque le prince a dit qu’une femme ne pouvait pas avoir à la fois le bonheur et la sécurité, dites ce que choisit votre amie, dites-le, darling.