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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/186

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sèche de l’altissime poète. Encore y semble-t-elle une pure allégorie, ou plutôt un exercice de calcul et un thème d’astrologie. Dante qui, entre nous, était un bon docteur de Bologne et avait beaucoup de lunes dans la tête, sous son bonnet pointu, Dante croyait à la vertu des nombres. Ce géomètre enflammé rêvait sur des chiffres, et sa Béatrice est une fleur d’arithmétique. Voilà tout !

Et il alluma sa pipe.

Vivian Bell se récria :

— Oh ! ne parlez pas ainsi, monsieur Choulette. Vous me faites de la peine, et si notre ami M. Gebhart vous entendait, il serait très fâché contre vous. Pour vous punir, le prince Albertinelli va vous lire le cantique dans lequel Béatrice explique les taches de la lune. Prenez la Divine Comédie, Eusebio. C’est ce livre blanc que vous voyez sur la table. Ouvrez-le et lisez.

Pendant la lecture sous la lampe, Dechartre, assis sur le canapé auprès de la comtesse Martin, parlait tout bas de Dante avec enthousiasme, comme du plus sculpteur des poètes. Il vint à rappeler à Thérèse la peinture qu’ils avaient vue ensemble, l’avant-veille, à Santa-Maria, sur la porte des Servi, fresque presque effacée, où l’on devinait à peine encore le poète