Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/196

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par la durée. Solitaire, elle gardait le respect et le culte du plaisir.

Au sortir du palazzo, pour fuir le vent qui soufflait sur le fleuve, l’aigre libeccio, miss Bell conduisit ses amies dans les vieilles rues étroites aux maisons de pierre noire, qui brusquement s’entr’ouvrent sur l’horizon où, dans la pureté de l’air, rit une colline, avec trois arbres grêles. Elles allaient, et Vivian montrait à son amie, sur les façades sordides où pendaient des loques rouges, quelque joyau de marbre, une Vierge, une fleur de lys, une Sainte Catherine dans une volute de feuillage. Ils allèrent, par ces ruelles de l’antique cité, jusqu’à l’église d’Or San Michele, où il était convenu que Dechartre les retrouverait. Thérèse songeait à lui, maintenant, avec une attention intéressée et minutieuse. Madame Marmet pensait à chercher une voilette ; on lui donnait l’espoir d’en trouver une sur le Corso. Cette affaire lui rappela une distraction de M. Lagrange qui, un jour, dans son cours public, en chaire, tira de sa poche une voilette à pois d’or et s’en essuya le front, croyant se servir de son mouchoir. Les auditeurs étaient surpris, et l’on chuchotait. C’était la voilette que lui avait confiée, la veille, sa nièce, mademoiselle Jeanne Michot, qu’il accompagnait au théâtre. Et madame Marmet expliqua comment, la trouvant dans la