Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/210

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— Je ne peux pas.

Penché sur elle, il interrogeait anxieusement ce regard dont la double étoile tremblait et se voilait.

— Pourquoi ? Vous m’aimez, je le sens, je le vois. Vous m’aimez. Pourquoi me faire ce tort de n’être pas à moi ?

Il l’attira contre sa poitrine, voulant mettre sa bouche et son âme sur ces lèvres voilées. Cette fois, elle se déroba avec une volonté agile et dit :

— Je ne peux pas. Ne m’en demandez pas plus. Je ne peux pas être à vous.

Il eut un tremblement des lèvres, une convulsion de tout le visage. Il lui cria :

— Vous avez un amant et vous l’aimez. Pourquoi vous moquiez-vous de moi ?

— Je vous jure que je n’avais pas envie de me moquer de vous, et que, si j’aimais quelqu’un au monde, ce serait vous.

Mais il ne l’écoutait plus.

— Laissez-moi ! Laissez-moi !

Et il fuyait vers la campagne noire. L’Arno, maintenant répandu sur la rive, formait dans les terres grasses des lagunes où la lune, à demi voilée, brisait ses clartés incertaines. Il allait, par les flaques d’eau et de boue, d’une marche rapide, aveugle, affreuse.