Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/209

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— Allons, soyons amis. Il est tard. Retournons, et conduisez-moi jusqu’à ma voiture, que j’ai laissée place de la Seigneurie. Je serai pour vous ce que j’étais, une excellente amie. Vous ne m’avez pas fâchée.

Mais il l’entraîna du côté de la campagne, dans la solitude croissante de la rive.

— Non, je ne vous laisse pas partir sans vous avoir dit ce que je voulais vous dire. Mais je ne sais plus parler, je ne trouve pas les mots. Je vous aime, je vous veux. Je veux savoir que vous êtes à moi. Je vous jure que je ne passerai pas une nuit encore dans l’horreur d’en douter.

Il la prit, la serra dans ses bras ; et, visage contre visage, épiant la lueur de son regard à travers l’obscurité de la voilette :

— Il faut que vous m’aimiez. Je le veux, et c’est vous aussi qui l’avez voulu. Dites que vous êtes à moi. Dites-le !

S’étant dégagée avec douceur, elle répondit d’une voix faible et lente :

— Je ne peux pas. Je ne peux pas. Vous voyez bien que j’agis franchement avec vous. Je vous disais tout à l’heure que vous ne m’avez pas fâchée. Mais je ne peux pas faire ce que vous voulez.

Et rappelant à sa pensée l’absent qui l’attendait, elle répéta :