Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/220

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dans l’ombre humide de l’allée. Il traversa une cour où l’herbe poussait entre les dalles. Au fond s’élevait un pavillon à trois fenêtres avec des colonnes et un fronton orné de chèvres et de nymphes. Sur le perron moussu, il tourna dans la serrure une clef qui grinçait et résistait. Il murmura :

— Elle est rouillée.

Elle répondit, sans pensée et sans âme :

— Toutes les clefs sont rouillées dans ce pays-ci.

Ils montèrent un escalier si tranquille sous son bandeau grec, qu’il semblait avoir oublié le bruit des pas. Il poussa une porte et fit entrer Thérèse dans la chambre. Sans rien voir, elle alla droit à la fenêtre ouverte qui donnait sur le cimetière. Au-dessus du mur s’élevaient les cimes des pins, qui ne sont pas funèbres sur cette terre où le deuil se mêle à la joie sans la troubler, où la douceur de vivre s’étend jusqu’à l’herbe des morts. Il la prit par la main et la mena à un fauteuil. Elle resta debout et regarda la chambre qu’il avait préparée pour qu’elle ne s’y trouvât pas trop perdue ni à l’aventure. Quelques lés de vieille indienne, à figures de comédie, mettaient sur les murs la tristesse aimable des gaietés passées. Il avait accroché dans un coin un pastel effacé qu’ils avaient vu ensemble chez l’antiquaire, et que, pour sa grâce