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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/221

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évanouie, elle appelait l’ombre de Rosalba. Un fauteuil d’aïeule, des chaises blanches ; sur le guéridon, des tasses peintes et des verres de Venise. À tous les angles, des paravents de papier colorié, où l’on voyait des masques, des grotesques et des bergeries, l’âme légère de Florence, de Bologne et de Venise, au temps des grands-ducs et des derniers doges. Elle remarqua qu’il avait pris soin de cacher le lit derrière un de ces paravents à feuillets gaiement historiés. Une glace, des tapis, et c’était tout. Il n’avait pas osé davantage dans une ville où les brocanteurs ingénieux le suivaient à la piste.

Il ferma la fenêtre et alluma le feu. Elle s’assit dans le fauteuil, et, tandis qu’elle y restait toute droite, il s’agenouilla devant elle, lui prit les mains, les baisa et la regarda longtemps avec un émerveillement craintif et fier. Puis il posa, prosterné, ses lèvres sur le bout de la bottine.

— Qu’est-ce que vous faites ?

— Je baise vos pieds qui sont venus.

Il se releva, la tira doucement à lui, et, cherchant ses lèvres, il lui mit un long baiser sur la bouche. Elle restait inerte, la tête renversée, les yeux clos. Sa toque glissa, ses cheveux se répandirent.

Elle se donna sans plus rien défendre d’elle.

Deux heures après, quand déjà le déclin du